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Dans la peau d’un pirate – chapitre 1

L’explorateur qui devint pirate

McKay était un rêveur. Rien ne le destinait à devenir le plus grand des pirates de tous les temps. Il était issu d’une famille modeste. Son père était charpentier de bateau et sa mère s’occupait de lui et ses deux frères.

Cuisinière hors pair, elle lui avait transmis la passion du goût. Il aimait rôder autour d’elle lorsqu’elle amorçait ses préparations. Elle avait la capacité de faire vibrer les plats, faisant danser les fumets aromatiques, pétrissant les pâtes, déglaçant les poissons pêchés du jour. Lorsqu’il s’introduisait dans la cuisine familiale, parfois son doigt s’égarait dans une marinade, relevée et aromatique. Ses narines s’emplissaient de la douceur des fleurs de sureau cueillies pour des beignets.

Un jour pluvieux de mars, sa mère le chassa de la cuisine avec douceur en lui disant « va voir ton père à l’atelier, et ramène ce livre de cuisine à Maddy, je ne peux rien faire de ces recettes exotiques. Nous n’avons pas la moitié de ces fruits et épices ici ».

Maddy était leur voisine la plus proche, bien que sa maison fût à une trentaine de minutes à pieds, en direction de l’atelier naval de son père. Sur le chemin, il s’arrêta sous un arbre pour feuilleter le livre de cuisine illustré « délices des Taïnos ». Il y découvrit des recettes de patates douces, avec une chair aussi épaisse que la peau d’un buffle et rugueuse comme la terre des champs. On y décrivait un subtil goût sucré et caramélisé dans des versions bouillie, rôtie, grillée, cuite à la vapeur ou frite. Du manioc, des ignames, des préparations de poisson cuits dans d’étranges contenant en poterie artisanale. McKay en salivait et sa curiosité était attisée par tant de délices inconnus.

Il se leva d’un bond et couru chez Maddy, arrachant quelques feuilles et branchages sur le chemin. Il poussa la porte de la chaumière de Maddy dans un grand fracas, le feuillage flanqué sur la tête, le livre de cuisine dans sa main gauche et une branche de noisetier flanqué sur son œil gauche comme une longue-vue. Il brandit le livre et couru autour de la vieille femme en criant « je suis un explorateur du goût ! Je suis un explorateur du goût ! Je vais vous ramener la saveur la plus surprenante que vous n’aurez jamais essayé ! »

Les années passèrent et McKay se rendait tous les jours à l’atelier naval de son père pour l’aider dans la réparation et travaux des bateaux qui accostaient. Son père lui enseignait la réparation des coques, membrures et cloisons. Père et fils avaient bonne réputation, mais l’achat des matériaux était parfois compliqué pour leur famille modeste. McKay avait un excellent sens de persuasion et parvenait à obtenir des prêts, mais leur affaire battait de l’aile.

Un jour, un bateau accosta au port. Il n’était pas de première jeunesse. Sa coque avait été charriée par de nombreuses vagues, et le mât ressemblait à un vieux chêne centenaire. Une odeur de sapin, d’iode et de crustacés semblait s’accrocher à la charpente. La voile de lin était d’un blanc délavé, rafistolée par endroits. Pourtant, il semblait que ce bateau s’adressait à McKay. C’est comme si une nouvelle âme s’était amarrée dans le port.

Il s’approcha du bateau, dont le nom était flanqué en lettre verte sur la coque « From Soil to Soul ».

Un vieillard apparut sur le pont. Les ouvriers levèrent la tête, glacés par cette vision presque funèbre. L’homme était trapu, les cheveux grisonnants, collés à son front par le sel de mer. Presque complètement édenté, il se curait ses trois chicots restants avec une arête de poisson. Ses mollets semblaient avoir été l’amuse-bouche d’un requin et ses bras, tannés par le soleil, étaient lacérés par de nombreuses cicatrices. Il s’exprimait par un rire rauque et grinçant, finissant chacun de ses râles par une longue toux grasse et sourde.

Son bras était orné d’un tatouage d’une femme fantomatique et errante, qui pleure au-dessus d’un cours d’eau. Il manœuvrait son bateau avec des gestes sûrs, teintés d’une sorte d’élégance mystérieuse.

Les jours qui suivirent, on ne le vit pas sortir de son bateau. McKay, durant ses promenades nocturnes, l’apercevait, assoupi sur la plage, marmonnant des phrases semi-poètiques, entrecoupés de râles et d’angoisses qu’il adressait à une femme vengeresse. Un soir de pleine lune, McKay, observait le large de l’océan Atlantique, les pieds enfouis dans le sable frais, pensant au livre de cuisine découvert enfant et à ses mille délices gustatifs, tout en se demandant jusqu’où il faudrait aller pour dénicher les plus belles saveurs.

Le marin apparut derrière lui, et lui adressa, dans une sorte de sifflement entre ses chicots : « Hoi Boy » et s’assit à ses côtés. « I can see your soul. Ya soul is pure. Let me tell ya some stories ». Durant les sept nuits suivantes, le vieillard et McKay se retrouvaient à la lumière sourde de la lune décroissante. Le vieillard lui conta ses péripéties : l’amour pour son navire, les trésors enfouis dans des grottes sombres, des combats avec des monstres marins qui lui semblaient mythologiques, la soif et la faim lors de ses traversées en mer les plus longues, la femme dont il était éperdument amoureux et qu’il avait abandonné pour reprendre la mer.

A la fin des 7 nuits, le vieil homme regarda McKay et lui dit « Ya good boy. Ya got the soul of my ship, now ya carry my story. I’m old now. Repair my ship and it’ll be yours, ya will continue to write my story”.

Le lendemain, le vieil homme avait disparu.

Son bateau était toujours amarré sur le port. McKay s’en approcha et glissa ses doigts sur les lettres gravées sur la coque « From Soil to Soul ». Il susurra, le cœur serré : « Je ferai naviguer ton héritage, vieil homme ».

Les mois suivants, il s’affaira à réparer le navire. Il déchargea les cargaisons, mit en place des échafaudages. Il répara les fissures, les déchirures et les déformations. Il souda, riveta, remplaça les plaques métalliques. Il calfata, gratta la peinture pour prévenir la corrosion, remplaça les pièces endommagées.

Il travailla avec ferveur et une passion qui virait presque à l’obsession. Si bien qu’un beau matin, « From Soil to Soul » fut prêt à larguer les amarres. Et McKay, notre aventurier du goût, prêt à embarquer pour une aventure qui s’avéra devenir une épopée.

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