Dans la peau d’un pirate – chapitre 2 - Blue Smoke Spirit - Abonnement cigare et cadeaux - livraison en Suisse

Dans la peau d’un pirate – chapitre 2

Le retour Royal

McKay avait à présent quitté sa famille depuis 10 ans. Aventurier de renom, il avait découvert de nombreuses contrées et routes commerciales. Il avait développé une expertise particulière dans le commerce d’épices, collectionnant les saveurs et les transcrivant méthodiquement dans des ouvrages illustrés. Certains disent que c’est McKay lui-même qui aurait illustré la première roue des saveurs afin de faciliter la vente des épices et essences florales qu’il ramenait de ses explorations. Au fil du temps sa réputation avait grandi et l’on attendait avec impatience le passage de « l’aventurier du goût ».

McKay n’était pas revenu dans sa terre natale. Il gardait précieusement, pour sa chère mère, dans un coffre caché de son navire, les épices les plus fines, les racines les plus rares, les fruits séchés les plus goûtus, les essences les plus exquises et les poudres les plus délicates, des accessoires de cuisine artisanaux. Il se réjouissait du jour où il pourrait partager ce palais des sens avec sa mère et la faire voyager à travers ses trésors.

Son épopée se poursuivait. Un jour estival, il s’était arrêté sur une île au large de l’océan atlantique, dans la mer des Caraïbes, sur laquelle il s’était rendu pour dénicher une plante nommée origan sauvage. A la fin de sa journée d’exploration et d’échanges commerciaux satisfaisants, il s’attabla à une taverne dans laquelle il avait décidé de passer la nuit.

La salle à manger était flanquée de trois rangées de table en cèdre, lustrée et collantes de Rhum renversé par des marins enivrés. Deux hommes, qui semblaient être des pirates aguerris, étaient assis à l’une des tables. Leur visage étaient éclairés par une lignée de bougies, scellées par la cire jaunie à même la table. McKay s’assit à leurs côtés. Ils baissèrent la voix et se mirent à chuchoter. Leur conversation indistincte laissait s’échapper des bribes de mots « beauté mystique » « ensorcelé » « roi infidèle » « malédiction ».

McKay était intrigué par cet échange entre les deux hommes. Il s’adressa à eux, leur offrit une bouteille du meilleur Rhum du tavernier, un nectar des Barbade. Ce nectar, rond et vieilli dans les tonneaux de la taverne depuis 12 ans, avec des notes d’ananas et de noix, leur réchauffa le palais et délia les langues.

« Une conversation semblait bien vous animer. De quoi parliez-vous, mes amis ? » s’enquit McKay

Le deuxième homme lui asséna un coup de pied si violent que la table en trembla et la flamme de la bougie vacillât.

  • Chut, on ne va pas lui donner les ficelles, non ?
  • Regarde comme il est flanqué, ce n’est pas lui qui va la satisfaire la reine ! J’aimerais bien voir ça.
  • Dites-moi tout, les amis. Et approche ton verre, la marée est basse mon ami. » Encouragea McKay.
  • Il y a une île, vraiment très petite, juste en face, là. Elle est si petite qu’avec trois bateau, le port est rempli. Mais elle est puissante, c’t’île, et on dit qu’elle est un peu magique. Enfin, pas l’île, mais la reine. Y’a un roi et une reine qui habitent. Sont riches, très très riches.

La reine, elle a une beauté qui ferait pâlir la plus immense des baleines du fond de l’eau.

  • « Plus que belle, il paraît qu’elle t’ensorcelle en un battement de cil. » Renchérit le deuxième homme, réchauffé par la rondeur du Rhum.
  • « Par contre, elle ne sourit pas. On sait que quelque chose s’est passé, mais on ne sait pas trop quoi. Y parait qu’elle a perdu le sourire après l’arrivée d’un navire sur l’île. Son mari il a tout essayé : parait qu’il a même essayé le vaudou. »
  • « Et depuis, son mari somme les marins de leur ramener leurs trésors. Il a promis que si un marin ramène un trésor qui ferait sourire la reine, il donnerait le triple en or. Imagine, tu lui donne un rubis, et qu’elle te sourit, il t’en donne deux rubis. Ah non attends, qu’est-ce qu’on avait compté. »

L’homme attrapa les os de poulet restants de son assiette. Il en déposa un sur la table et se gratta la tête avec un air perplexe.

  • « On avait dit… Ah oui c’est ça »

Il aligna les deux autres os sur la table.

  • « Si tu lui amène un rubis et qu’elle sourit, tu repars avec trois »
  • « Et que se passe-t-il si elle ne sourit pas » ? S’enquit McKay.
  • « Le roi garde les trésors. Mais parait que tu risques aussi d’être ensorcelé par la reine. Certains ne sont jamais partis de l’île, qu’il parait. » siffla le marin entre deux gorgées de rhum. « Tu m’étonnes qu’ils soient riches, les deux ».

McKay était très intrigué par ce récit. Il demanda aux hommes comment se rendre sur cette île. Le deuxième marin, peu loquace, marchanda une autre bouteille contre des informations. McKay brulait de satisfaire sa curiosité et accepta son marché. Le marin lui tendit alors une pièce d’or, frappée d’un profil de femme. Une beauté à couper le souffle : un nez aquilin, des pommettes saillantes, un regard aussi acéré qu’une dague. Et en effet, un air aussi dur que le plus solide des rocs. Dans les volutes de ses cheveux détachés, on pouvait deviner une carte. Il sortit sa loupe et observa attentivement : il reconnaissait la découpe rocheuse par laquelle il était arrivé la veille. Aucun doute, en tant qu’explorateur aguerri, il saurait trouver cette île mystérieuse.

Musique: Hoist the colours https://deezer.page.link/coJHWpfVHixqfpVr5

Sa nuit fut courte et chaotique. Il entendait la voix d’une femme qui s’adressait à lui, à travers un souffle chaud, larmoyant et sensuel. Le visage de la reine se dessinait dans un écran de fumée, et un rire glaçant brisait ses soupirs, mais il voyait distinctement sa bouche scellée qui ne pouvait esquisser ne serait-ce qu’un sourire. Dans une complainte, elle s’adressait à lui en lui susurrant « Un seul cadeau pourra me satisfaire. Mon sourire sera ton plaisir et ta quête ».

Le lendemain, sa décision était prise : Il parviendrait à satisfaire la reine, il s’y dévouerait nuit et jour. Il y consacrerait sa vie si besoin, mais il réussirait à dessiner un sourire sur ces lèvres délicates. Avant de collecter les plus beaux trésors pour celle qui déjà, hantait ses nuits, il souhaitait réaliser son premier vœu : rapporter le coffre des saveurs à sa mère.

Musique : Tukumulu https://deezer.page.link/BWBuEhjgJQF4tHrk7

Il paqueta ses affaires et leva l’ancre, en direction de sa terre natale. La vision de la reine le hantait, et il sentait en lui une flamme se raviver à chacun de ses rêves tourmentés. Il avait déjà amorcé la collecte des trésors pour sa muse. Lors de ses escales, il usait ses talents commerciaux pour troquer ses épices les plus rares contre des colliers ornés de pierres précieuses et de coupes étincelantes. Au fur et à mesure, il avait constitué un équipage qui le suivait avec ardeur grâce à son audace et son autorité naturelle.

Après plusieurs mois de voyage, il aperçut les contours de sa terre natale qu’il connaissait si bien qu’il aurait su les dessiner dans le sable. Ses cales étaient pleines de trésors rutilants et de senteurs exotiques. Les roulis des vagues faisaient tinter les pièces dans les coffres et si l’on s’aventurait dans l’entrepont la journée, les diamants et perles étaient si étincelantes qu’une rai de lumière aurait suffi à vous rendre aveugle. Mais le trésor le plus précieux de McKay était le coffre destiné à sa mère, dissimulé à l’arrière de la cale.

Le bateau heurta la terre ferme, si bien que McKay sentit son cœur se bousculer contre ses côtes. Il sentait les effluves de crustacés pêché fraîchement emplir ses narines, des fumets de beignets aux acacias qu’il avait goulument dévoré enfant au bord de la plage en attendant son père. Au loin, il apercevait le toit de l’atelier de son père, mais la toiture avait été repeinte.

La plage était bien plus fréquentée que dans ses souvenirs d’enfance. Les femmes relevaient leurs robes de lin pour récupérer des crustacés ovales et les jetaient dans de grands paniers. D’autres travaillaient sur des filets, leurs cheveux noirs épais relevés sur leur nuque.

Il longea la plage en direction de l’atelier. Passé le coude de la plage, il aperçut distinctement l’atelier de son père. Les lettres « McKay Navigator » avaient été remplacées par « Marinero & Sons ». À l’intérieur du hangar, qui avait doublé de taille, il ne reconnaissait plus un visage. Des navires étaient parqués comme des gousses d’ail séchés.

Il s’adressa à un ouvrier, affairé à poncer un mât :

  • « Ou est mon père ? l’homme qui dirige l’atelier ? »

L’ouvrier pointa du doigt un homme vêtu d’habits blanc de lin, pincés d’une ceinture d’or à la taille.

  • « Un homme plus vieux. Barbe longue, petite taille, les yeux bruns ? »
  • « Ho. Parti avec la maladie. Il a travaillé jusqu’au bout mais elle l’a emporté. »

McKay sentit ses jambes se transformer en coton et son estomac se tordre. Les bruits sourds des outils s’amplifièrent autour de lui jusqu’à en devenir assourdissants, le vacarme des rabots et des limes semblait lui percer la tête. Il pivota et couru en dehors de l’atelier.

Ses pas le menèrent mécaniquement à sa maison familiale pour trouver des réponses auprès de sa mère. La maison était là, les odeurs de romarin et de thym flottaient toujours à l’orée du logis. La clôture avait été remplacée, et sur un écriteau en argile, on pouvait y lire « Famille Henderson ». Une femme de dos, les cheveux tressés, était assise sur un banc en tek auprès du potager, tressant un panier.

  • « Mère ! »

La femme se retourna, mais il découvrit le visage surpris d’une femme bien plus jeune que sa mère.

  • « Où est ma mère ? » lui adressa McKay « est-elle souffrante ? C’est ma maison ici ! »

Elle le regarda intensément quelques secondes, interloquée, puis son visage s’attendrit subitement.

  • « Oh. Tu es le fils McKay. Assieds-toi près de moi ». Lui répondit la femme.

Elle lui pressa la main avec douceur, et poursuivit d’un ton bienveillant.

  • « Un mal nous a frappé, il y a quelques années. Une maladie qui est arrivé avec un navire. Beaucoup de famille son parties. Ton père s’était occupé du navire, et il est tombé malade rapidement. Il a été l’un des premiers à partir. » « Ta mère s’est occupé de tes frères seule, mais elle ne s’est jamais remise de cette tragédie. Elle est partie quelques années plus tard, convaincue que ton père et toi l’attendiez sur l’autre rive. » dit-elle d’un ton ému. Elle serra tendrement les mains de McKay, comme pour rassurer un enfant blessé. « Tes frères nous ont vendu la maison avant de quitter la cité ».

A cet instant, McKay sentit son cœur se sécher comme un récif à la marée basse. Une douleur lancinante et percutante semblait pulser avec le rythme de son pouls.

Il retourna à son navire et pénétra dans la cale. Il rassembla son équipage, déplia sa carte de navigation et fit rouler la pièce d’or frappée du profil de la reine que l’homme lui avait donnée à la taverne. Il sortit sa dague et la planta sauvagement dans un repère de la carte.

« C’est ici que nous allons ».

Ses cales remplies des plus beaux trésors, il accosta un soir de pleine lune sur l’île de la reine.

Musique « The Magna Carte » https://deezer.page.link/bwgzj8kkTrrpJHkEA